Le narrateur s’efface et propose une délégation de point de vue à son personnage, ici Gervaise. Elle est dans une attente angoissée : elle guette Lantier jusqu’à 2 h du matin, d’où l’importance du champ lexical de la vue (guettait, avoir vu, regarder, yeux). Gervaise regarde l’intérieur de la chambre (focalisation interne), apparaissant sous une vision panoramique, il y a une délégation de point de vue de la part de Zola. A la fenêtre, elle est en surplomb, d’où une situation dominante. Le narrateur s’efface pour faire croire le lecteur, pour faire plus réel. L’écrivain naturaliste veut ancrer le récit dans le réel. D’où l’emploi de modalisteur : " elle croyait l’avoir vu ".
Gervaise se sent abandonnée, elle est frissonnante et éclate en sanglots. Elle est seule et ne connaît personne car elle vient d’arriver à Paris. Ce statut justifie la description de la chambre. Pour Zola, c’est moins un roman que L’histoire naturelle et sociale d’une famille ouvrière sous le second empire, histoire qu’il veut réelle. Ce roman avec prétention scientifique est fondé sur le principe de l’hérédité. Pour faire réel, il y a un bref retour en arrière pour indiquer le caractère authentique : Gervaise a un passé (c’est une garantie pour le lecteur) exprimé par des noms homographiques de Paris (" Veau à deux têtes ", seul lieu inventé, " Grand balcon ", balcon célèbre qui a existé dans ce quartier de Paris avant 1860. Les masses populaires étaient rejetées à la périphérie de Paris. Zola effectue une description de la chambre pour faire plus réel (misérable, garnie (=meublée) ce qui signifie qu’elle n’a pas de bien propre). Son mobilier est une commode, rois chaise, une table, un lit de fer, une malle. Le champ lexical du manque et du laisser aller apparaissent dans ce texte : " table où le pot à eau ébréché traînait ", " un tiroir manquait ", " un chapeau d’homme enfuit sous des chaussettes sales ". Le laisser aller de Gervaise est présent : elle est en chemise et en savates. Toute cette description s’accompagne du champ lexical de la misère (lambeau, flèche attachée au plafond par une ficelle, châle troué, les dernières nippes)
L’univers de Gervaise est comparable à celui que Zola a connu (il a vécu dans un hôtel misérable), Zola est donc ici quelque peu metteur en scène : il plante un décor pour montrer comment vivaient les ouvriers. Mais la description zolienne n’est jamais une plate description de la réalité. Zola essaie de concilier le réel et le tempérament (notion scientifique). Néanmoins, il met son talent au service. (" Une œuvre d’art est un point de création vue à travers un tempérament ") La seule couleur est le rose tendre, clin d'œil ironique de Zola semblant optimiste, mais montrant le thème de l’endettement progressif.